En 2023, plusieurs maisons de couture majeures ont intégré la jupe dans leurs collections masculines, bousculant ainsi un compartimentage vestimentaire réputé immuable. Certaines enseignes, jusque-là réservées à une clientèle féminine, élargissent désormais leurs rayons pour inclure des tailles et coupes conçues sans distinction de genre.
Les codes vestimentaires imposés dans les établissements scolaires ou certaines entreprises ne prennent pas toujours en compte cette évolution, exposant les personnes non binaires à des injonctions contradictoires. Pourtant, la demande pour une mode libérée des catégories traditionnelles progresse, portée par des créateurs et des collectifs militants.
Androgynie et mode non genrée : comprendre les enjeux d’une révolution vestimentaire
La mode non genrée s’invite comme un véritable terrain d’expérimentation sociale. Longtemps, le vêtement a veillé sur la binarité comme un gardien silencieux. Désormais, il s’affranchit, effaçant les frontières du masculin et du féminin. Expression de genre, identité, codes vestimentaires : ces notions s’entremêlent, stimulées par une génération qui secoue les normes de genre et réclame une inclusivité sans compromis.
Le concept de vêtements unisexes ne se résume plus à des pièces insipides et neutres. Il incarne une liberté créative, le rejet pur et simple des stéréotypes de genre. Portés par les réseaux sociaux, de jeunes créateurs dynamitent les vieux codes de l’industrie de la mode. Leur engagement va bien au-delà du style : il s’agit de donner corps à des identités multiples, de revendiquer l’égalité sur la place publique.
Certains pionniers n’hésitent plus à militer ouvertement pour des collections genderfluid. Les podiums accueillent des silhouettes androgynes, dévoilant une nouvelle grammaire du style vestimentaire. Les vêtements non genrés ne cherchent pas à masquer quoi que ce soit. Ils deviennent des outils d’expression de soi et de résistance à la pression sociale.
Voici ce qui caractérise ce mouvement de fond :
- Rejet de la binarité dictée par la tradition vestimentaire
- Montée d’une mode inclusive, multiple et ouverte à tous
- Réappropriation du vêtement comme espace de liberté personnelle
La question de la mode et de l’adoption de la jupe ou du pantalon ne se limite plus à des critères purement esthétiques. Elle interroge la place de chacun dans la société, la possibilité d’exister en dehors des catégories réductrices.
Pourquoi la jupe s’impose comme un symbole d’expression pour les personnes non binaires ?
La jupe s’est imposée comme un manifeste pour de nombreuses personnes non binaires, désireuses de façonner une expression de genre affranchie de la binarité. Elle agit comme un pied de nez aux normes de genre, remettant en cause les codes vestimentaires hérités du XIXe siècle et d’une époque qui a rigidifié la séparation entre vêtements masculins et féminins.
Ce vêtement n’est pas nouveau dans l’histoire : il a été porté par les hommes sous la forme du kilt écossais, puis réinventé par Jean Paul Gaultier dans les années 1980. On se souvient aussi de Marlene Dietrich ou Yves Saint Laurent, qui ont brouillé les frontières du look traditionnel, prouvant que le pantalon pour femme ou la veste de smoking pouvaient devenir des symboles d’émancipation. Aujourd’hui, la jupe se veut fluide, ni masculine ni féminine, mais inclusive.
Pour celles et ceux qui refusent l’assignation, enfiler une jupe, c’est affirmer sa singularité. C’est bousculer la dictature du noir et blanc identitaire, ouvrir de nouveaux espaces d’appartenance au sein de la communauté LGBTQI+. La jupe dépasse son statut d’habit : elle concentre le débat autour de la liberté, de l’autonomie et du droit à son propre style, sans concession.
Retenons trois axes forts :
- Affirmation contre la binarité imposée
- Tourner la page de l’histoire textile genrée
- Gagner en visibilité pour les personnes non binaires dans la sphère publique
Acteurs et créateurs : qui façonne la mode inclusive aujourd’hui ?
La mode inclusive s’incarne partout : dans les ateliers, les studios, sur les podiums, mais aussi sur les réseaux. Créateurs, célébrités et marques s’approprient la jupe et le vestiaire non genré pour dynamiter les frontières classiques.
La maison Gucci multiplie les défilés où la jupe côtoie le costume, brouillant les repères. Jean Paul Gaultier a ouvert la voie dès les années 80. Plus récemment, Thom Browne, Stella McCartney ou Collina Strada composent des collections où l’expression de genre s’affiche dans toute sa fluidité.
Les personnalités publiques jouent un rôle clé. Harry Styles, Billy Porter, Russell Westbrook ou Mark Bryan ont adopté la jupe, que ce soit sur scène ou dans la rue, et redéfinissent le masculin. Leur présence sur TikTok, Instagram ou les tapis rouges accélère la normalisation, surtout auprès de la Gen Z, qui saisit cette liberté vestimentaire avec enthousiasme.
Des créateurs plus discrets, tels que Steven Passaro ou les ateliers parisiens d’Andrea Crews, imaginent un vestiaire sur-mesure, loin des clichés. Des plateformes comme Sumissura ou Hockerty donnent la possibilité de créer des costumes et jupes personnalisés pour tous, contribuant ainsi à une mode réellement ouverte.
Qu’ils soient grandes figures ou artisans indépendants, ces acteurs font entrer la jupe non genrée dans le débat de l’automne-hiver et questionnent le code vestimentaire. Un mouvement collectif s’esquisse, dessinant un style sans entraves, où chacun affirme son identité à sa façon.
Adopter la jupe en toute liberté, au-delà des stéréotypes et des codes
La jupe est désormais un terrain d’exploration pour toutes les identités. Hommes, femmes, personnes non binaires s’en emparent pour déconstruire les stéréotypes de genre et revendiquer leur expression de soi. Les mentalités évoluent, la pression sociale s’allège. Porter une jupe, c’est choisir son style personnel, inventer sa façon d’occuper l’espace, d’habiter le vêtement, de se tenir droit, sans justification.
La diversité des matières, jean, cuir, coton fluide, et des coupes, trapèze, droite, portefeuille, donne toute latitude aux envies. Les accessoires complètent la silhouette : un sac structuré, des bijoux graphiques, ou un trench coat nonchalamment posé sur les épaules. Côté chaussures, on choisit entre derbies, baskets ou talons, selon son humeur. Le maquillage, s’il est là, souligne une attitude, pas une identité de genre.
Dans les safe spaces, collectifs LGBTQI+, ateliers créatifs, bars queer, la jupe s’affiche sans justification requise. Mais c’est aussi au quotidien que tout se joue. Traverser la rue, prendre le métro, marcher en jupe, c’est résister, c’est ouvrir la voie. La mode non genrée se construit dans l’art d’assembler sa tenue selon ses envies, sans chercher l’approbation. La jupe, autrefois assignée à un sexe, s’affirme comme instrument d’émancipation, et d’affirmation.
Sur les trottoirs, dans les couloirs ou face au miroir, chaque choix vestimentaire pose une question simple : à qui appartient le droit d’être soi ?


